Episode 1

14 Gon 995

C’était une chaude matinée d’Auron à Dimzad City.
Ayant contre toute attente survécu à une nuit de poursuite en plein désert, ils passèrent les portes de la ville accompagnés de leur client, innocent -- ou du moins plus ou moins innocent, mais à Dimzad tout le monde est plus ou moins innocent -- qui en savait trop.
Cavil et Husker les attendaient devant la taverne dans laquelle Roxane se précipita avec l’homme qu’elle avait juré de protéger au prix de sa vie si nécessaire, ou éventuellement d’un meilleur contrat. Jose quant à lui enfonça ses lourds talons au milieu de la route poussiéreuse et compta tranquillement les massives balles de cuivre qui occupaient encore son énième chargeur de la nuit.
Les assassins de Thorne approchaient. Il pouvait les sentir. Dans l’agitation de la bataille et l’obscurité de la nuit, il n’avait pas vu combien étaient encore à leurs trousses, mais les nombres de l’avaient jamais effrayé.
Roxane sortit de l’humble auberge et arma à son tour son pistolet, un magnifique modèle Jiannais comme l’on n’en voyait plus que dans les mauvais films d’action Odysséens qui semblaient étrangement toujours vouloir faire des Jiannais d’horribles machines à tuer.
Elle ordonna d’un bref hochement de tête à Husker et Cavil de retourner à l’intérieur et de protéger le témoin, assurée de ses chances de survie seule avec Jose.
Les deux Meastiens s’échangèrent un dernier regard avant de se séparer et de se mettre à couvert, ayant repéré leurs postes de surveillance à la seconde où ils avaient franchi les murs de la ville.
Comme prévu, les hommes de main de Thorne ne se firent pas attendre. Certains à pieds, d’autres en voiture ou en motos, ils entrèrent dans Dimzad par dizaines, non, par centaines, naïvement convaincus que leur supériorité numérique suffirait à les sauver de l’impitoyable efficacité des deux mercenaires de Meast.
En un instant seulement, leur première ligne d’attaque tombait, criblée de balles, alors que Roxane dispersait le reste de leurs troupes d’une grenade jetée avec une précision presque chirurgicale.
Pris de panique, les sbires de Thorne voulurent trouver un abri mais il était trop tard. Jose en souleva deux d’une main et les jeta contre le mur de la prison avec une force telle que les fenêtres du bâtiment en explosèrent toutes. Roxane en tua dix à mains nues en moins de cinq secondes, si rapide qu’aucune balle ne pouvait plus l’atteindre...
ROXANE : Husker, tu es un bulard...
Bulard signifiait crétin. Flux n’avait pas eu à m’offrir la traduction car Roxane l’avait utilisé tous les jours depuis que nous étions arrivés à Dimzad.
JOSE : Désolé pour les fenêtres, mec.
ROXANE : Tu n’as jamais cassé les fenêtres, et ces types n’étaient pas si nombreux. Et je n’ai esquivé aucune balle !
JOSE : Je me disais bien, aussi, j’avais pas souvenir de tout ça...
HUSKER : J’embellis un peu, c’est mon devoir en tant que narrateur de l’histoire.
Il se tourna vers moi et termina rapidement, déconcentré par l’interruption de Roxane.
HUSKER : Ils tuent tout le monde, le client survit et meurt ironiquement quelques mois plus tard en s’étouffant avec un morceau de saucisse que j’avais pourtant cuit à la perfection malgré ce qu’en dit Cavil, et on les proclame Slayers de Meast.
ROXANE : Tu nous proclames Slayers de Meast.
HUSKER : Je suis le peuple de Dimzad, donc en quelque sorte, le peuple vous a proclamé.
Assis au milieu de la table, Glizz avait écouté aussi attentivement que moi le conte des Slayers dont il ne comprenait probablement pas un mot et qu’il avait déjà surement entendu plusieurs dizaines de fois depuis que Husker l’avait recueilli après ma première visite à Dimzad et embauché comme serveur au saloon.
M’ayant reconnue alors que j’étais assise à notre table habituelle le soir de notre retour de Malthura, le petit gobelin s’était précipité dans notre direction et avait bondi sur ma chaise pour serrer ma tête entre ses bras, me laissant juste le temps de baisser d’une main l’arme de Jose, qui s’apprêtait à le tuer par précaution.
ROXANE : Tu es le roi des bulards, Husker. Et mon verre est vide.
VISALA : Et qu’est-ce qui est arrivé à Thorne ?
ROXANE : Aux dernières nouvelles, il est toujours à la tête du cartel du Grand Bazaar. Il a été forcé de recruter du personnel pour remplacer l’ancien, évidemment... Bizarrement, ils nous apprécie beaucoup plus depuis. Il nous a même filé quelques contrats ces dernières années.
VISALA : Vous avez travaillé pour lui ? Après tout ça ? Il a essayé de vous faire tuer !
ROXANE : Ca fait partie du boulot. Ce n’était pas personnel. Je n’avais rien contre ses hommes non plus, mais je les ai tous descendus quand même.
VISALA : Mais vous ne faisiez que vous défendre.
ROXANE : Le monde est sans pitié, Visala. On fait ce qu’on peut pour survivre, lui aussi. Parfois, tuer un homme est le seul moyen de survivre. J’aurais peut-être agi de la même façon à sa place.
VISALA : Tu penses vraiment qu’il avait besoin de le tuer pour se protéger ?
ROXANE : Je n’en sais rien. Et je ne veux pas le savoir. C’est comme ça qu’on reste en vie dans notre milieu.
Elle finit son verre d’une traite et se leva d’un bond.
ROXANE : Je t’avais prévenue que cette histoire était minable. Si on passait nos vacances à faire quelque chose d’un peu plus constructif, comme continuer ton entraînement ?
Le sourire aux lèvres, j’attrapai Jose par la main et suivis la jeune femme à l’extérieur de la taverne et en direction du champ de tir que nous avions improvisé dans le désert à quelques mètres des portes de la ville.
Je bandai mon arc et tirai une flèche, touchant ma cible mais à quelques longs centimètres de son centre.
Husker vint se tenir derrière moi, posant une main sur la mienne et une autre sur ma hanche, comme il l’avait fait suite à chacune de mes flèches manquées depuis le début de mes exercices de tir, ce qui avait au moins eu pour avantage de m'inciter à mieux viser.
Comme à chaque fois également, Jose arma son revolver et le pointa vers la tête de son ami, forçant ce dernier à reculer contre son gré, levant les mains en signe d’innocence.
Roxane pouffa de rire, m’invitant d’un geste à ignorer les enfantillages de nos compagnons.
Retenant mon souffle et faisant de mon mieux pour ne pas me laisser déconcentrer par les hilarantes excuses de Husker, dont la défense devenait de moins en moins convaincante après chacun de ces incidents, je laissai partir une autre flèche, qui fit cette fois mouche.
Roxane sourit de toutes ses dents et alla la récupérer.
ROXANE : Impressionnant. Et malgré tout le bordel de ces deux crétins. Je crois que tu es prête à augmenter la distance.
Je souris, satisfaite de mes progrès, et me tournai vers Flux pendant que la jeune Meastienne éloignait les cibles de bois.
VISALA : Flux, où étais-tu, pendant tout ce temps ? La bataille de Dimzad, je veux dire.
Jose et Husker pouffèrent de rire en coeur, oubliant instantanément leur querelle stupide.
JOSE : Oui, Flux, raconte-lui le rôle majeur que tu as eu ce jour-là !
Il me mit une grande tape sur l’épaule, m'envoyant presque à terre, riant toujours aux éclats.
JOSE : En vrai il a servi à rien.
Flux poussa un soupire, et je regrettai presque ma curiosité.
FLUX : C’est une longue histoire... J’étais pour ainsi dire retenu...
HUSKER : Kidnappé.
FLUX : ... à Thalion. Et quoi que tu en dises, Jose, je ne regrette absolument pas d’avoir manqué cette nuit de chaos.
JOSE : Pff, tu te serais amusé comme un fou, et tu le sais très bien...
J’attrapai une flèche dans le carquois que Jose portai à l’épaule droite et m’apprêtai à tirer à nouveau, Roxane ayant terminé de déplacer les cibles, mais je fus interrompue par Cavil, qui vint nous rejoindre à ce moment précis, tendant une enveloppe à Roxane.
CAVIL : Roxy, courrier.
La jeune femme le fusilla du regard et lui ôta le morceau de papier des mains.
ROXANE : Ne m’appelle plus comme ça. Et pas de boulot. Nous sommes en vacances, et je ne veux aucun contrat pour le moment.
CAVIL : Je sais, mais ça vient de Regis.
ROXANE : Tu es certain ?
CAVIL : Je ne connais personne d’autre qui envoie encore son courrier ici par pigeon voyageur.
Roxane fronça les sourcils, intriguée, et lut la lettre. Quelques secondes plus tard, elle la fourra dans sa poche et se leva.
ROXANE : Ramassez vos affaires. Ton entraînement attendra Visala, on va à Dahl.
VISALA : Dahl ? Je croyais que tu ne voulais pas de travail.
ROXANE : Cette fois c’est différent. Regis est en danger.

A suivre...